Google, symbole des atouts et des maux d’une Suisse en proie au doute
ÉDITORIAL. Alors que le géant technologique fête deux décennies de présence à Zurich, il est bon de se rappeler pourquoi Google s’y est installé. En se demandant au passage quelle Suisse nous transmettrons à nos enfantsFaut-il immanquablement ressortir Alfred Escher de son chapeau lorsqu’il s’agit de remonter à la source du miracle suisse? Le célèbre homme d’affaires zurichois n’explique pas à lui seul l’essor que notre pays a connu depuis le milieu du XIXe siècle. En fondant Credit Suisse en 1856 ou en entreprenant le percement du tunnel du Gothard, l’ancien conseiller national zurichois a toutefois incontestablement contribué à poser les fondations de la Suisse moderne.Conscient du rôle prépondérant que la technique allait jouer, cet entrepreneur – qui n’est pas exempt de parts d’ombre – a aussi réussi à faire ériger à Zurich la première haute école polytechnique du pays. Au nez et à la barbe de la Berne fédérale! La concentration de talents informatiques au sein de la capitale économique du pays a sans doute pesé lourd dans la balance lorsque Google a décidé en 2004 de s’y installer. Son arrivée a favorisé l’éclosion d’un écosystème de pointe dans les technologies de l’information et de la communication.Lire aussi: Cinq mille emplois en vingt ans: entre Google et Zurich, une relation quasi parfaiteQuelle chance aurait aujourd’hui ce même Alfred Escher ou tout autre esprit visionnaire de faire passer ses idées? De récolter plus d’argent qu’il n’en faut pour fonder une banque à même de financer le chemin de fer naissant ou d’abattre des montagnes pour relier le Tessin au reste du pays? Les verdicts livrés depuis quelques années par les urnes et la levée de boucliers que ne manque pas de susciter tout nouveau projet ne laissent pas planer l’ombre d’un doute: aucune. Recréer la confiance Faut-il inculper une population rétive au changement? Pointer une classe politique indigne des défis contemporains? Plutôt que de se lancer dans des procès stériles, il faut prendre acte d’une hostilité croissante face à l’économie et la technologie. Une défiance qui découle d’ailleurs en partie de la prospérité actuelle du pays. Il suffit d’évoquer la pression que les 5000 chercheurs de Google ont exercée sur le marché immobilier zurichois pour s’en convaincre.Une certitude peut être extraite de ce magma d’interrogations et de doutes: la richesse de la Suisse n’a rien d’éternel et les facteurs de cette réussite sont bien plus faciles à lister qu’on ne le pense. C’est grâce à d’excellentes infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunication, à une main-d’œuvre hautement qualifiée et à une fiscalité attractive que la Suisse a pu faire fructifier l’héritage d’Alfred Escher et de ses pairs. Lire aussi: Prendre conscience de l’importance de l’électricité et construire plus: le message énergétique du Forum des 100Alors que le monde se fissure de toutes parts, que la population helvétique croît à un rythme rapide, le contrat de confiance qui soudait citoyens et élites se délite fatalement. En cultivant l’art du compromis et en lançant des grands projets fédérateurs, il faut impérativement réactiver ce lien. Sans quoi, le Sonderfall helvétique est condamné à péricliter.C’est à nos autorités, tous partis confondus, qu’incombe cette tâche titanesque. On ne peut qu’espérer les voir à la hauteur d’un enjeu dont dépendra la Suisse de demain. Qui seront les Alfred Escher du XXIe siècle? La question reste pour l’heure désespérément ouverte. Lire également: Cerner la colossale et fascinante transition énergétique chinoise à l’heure de la COP29
ÉDITORIAL. Alors que le géant technologique fête deux décennies de présence à Zurich, il est bon de se rappeler pourquoi Google s’y est installé. En se demandant au passage quelle Suisse nous transmettrons à nos enfants
Faut-il immanquablement ressortir Alfred Escher de son chapeau lorsqu’il s’agit de remonter à la source du miracle suisse? Le célèbre homme d’affaires zurichois n’explique pas à lui seul l’essor que notre pays a connu depuis le milieu du XIXe siècle. En fondant Credit Suisse en 1856 ou en entreprenant le percement du tunnel du Gothard, l’ancien conseiller national zurichois a toutefois incontestablement contribué à poser les fondations de la Suisse moderne.
Conscient du rôle prépondérant que la technique allait jouer, cet entrepreneur – qui n’est pas exempt de parts d’ombre – a aussi réussi à faire ériger à Zurich la première haute école polytechnique du pays. Au nez et à la barbe de la Berne fédérale! La concentration de talents informatiques au sein de la capitale économique du pays a sans doute pesé lourd dans la balance lorsque Google a décidé en 2004 de s’y installer. Son arrivée a favorisé l’éclosion d’un écosystème de pointe dans les technologies de l’information et de la communication.
Quelle chance aurait aujourd’hui ce même Alfred Escher ou tout autre esprit visionnaire de faire passer ses idées? De récolter plus d’argent qu’il n’en faut pour fonder une banque à même de financer le chemin de fer naissant ou d’abattre des montagnes pour relier le Tessin au reste du pays? Les verdicts livrés depuis quelques années par les urnes et la levée de boucliers que ne manque pas de susciter tout nouveau projet ne laissent pas planer l’ombre d’un doute: aucune.
Recréer la confiance
Faut-il inculper une population rétive au changement? Pointer une classe politique indigne des défis contemporains? Plutôt que de se lancer dans des procès stériles, il faut prendre acte d’une hostilité croissante face à l’économie et la technologie. Une défiance qui découle d’ailleurs en partie de la prospérité actuelle du pays. Il suffit d’évoquer la pression que les 5000 chercheurs de Google ont exercée sur le marché immobilier zurichois pour s’en convaincre.
Une certitude peut être extraite de ce magma d’interrogations et de doutes: la richesse de la Suisse n’a rien d’éternel et les facteurs de cette réussite sont bien plus faciles à lister qu’on ne le pense. C’est grâce à d’excellentes infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunication, à une main-d’œuvre hautement qualifiée et à une fiscalité attractive que la Suisse a pu faire fructifier l’héritage d’Alfred Escher et de ses pairs.
Alors que le monde se fissure de toutes parts, que la population helvétique croît à un rythme rapide, le contrat de confiance qui soudait citoyens et élites se délite fatalement. En cultivant l’art du compromis et en lançant des grands projets fédérateurs, il faut impérativement réactiver ce lien. Sans quoi, le Sonderfall helvétique est condamné à péricliter.
C’est à nos autorités, tous partis confondus, qu’incombe cette tâche titanesque. On ne peut qu’espérer les voir à la hauteur d’un enjeu dont dépendra la Suisse de demain. Qui seront les Alfred Escher du XXIe siècle? La question reste pour l’heure désespérément ouverte.