Le vrai prix de l’intelligence artificielle

ÉDITORIAL. Faire rédiger un texte par un assistant IA ne va probablement pas changer le monde, contrairement aux avancées que permet cette technologie dans la recherche fondamentale. Attribuer, aujourd’hui, une valeur à ce monde de demain expose au risque d’alimenter une nouvelle bulle financièreLors de sa sortie en novembre 2022, ChatGPT a mis l’intelligence artificielle (IA) dans tous les foyers – ou sur tous les écrans, pour être plus précis. Le message n’a bien sûr pas échappé aux marchés financiers, qui n’allaient pas rater une si belle occasion de s’enflammer. Et, peut-être, de créer une belle bulle financière sur le modèle de celle des «dotcoms» de la fin des années 1990.Depuis fin 2022, de nombreuses entreprises mentionnent aussi souvent que possible qu’elles utilisent l’IA, même si leur cœur de métier n’a rien à voir avec cette technologie. C’est devenu une condition sine qua non pour attirer l’attention des investisseurs, tout comme il y a 25 ans, il suffisait de faire précéder le nom d’une société d’un «e-» ou d’y ajouter un «.com» pour lever des millions.### Chiffre d’affaires versus bénéfice A l’époque, les investisseurs étaient prêts à payer des fortunes sur la base du chiffre d’affaires de jeunes pousses qui perdaient de l’argent, parfois énormément. Aujourd’hui, les projections effectuées par les marchés sont toujours stratosphériques, mais elles se basent sur les bénéfices déjà générés par ces grandes entreprises cotées en bourse. Lire aussi: OpenAI vaut désormais plus de 150 milliards de dollars. Comment justifier de tels sommets? On pense au concepteur de puces Nvidia et aux six autres «Magnificient Seven» que sont Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Meta et Tesla. OpenAI, le créateur de ChatGPT, a été valorisé à près de 160 milliards de dollars lors de sa levée de fonds annoncée ce mercredi. Cela en fait l’entreprise privée la plus chère de la planète, même si elle n’est pas rentable. Le mini-krach observé en août sur les marchés est un autre signe de la fièvre boursière suscitée par l’IA. Il avait été provoqué par la soudaine crainte que les dizaines ou centaines de milliards investis dans l’IA par ces grands groupes ne génèrent pas de bénéfices à brève échéance. ### Tendance mesurée en années Or il est probablement trop tôt pour mesurer ce que cette technologie peut apporter, tout comme il est vain d’en chercher les bénéfices chaque trimestre. L’IA est, par exemple, à l’origine de pas en avant majeurs dans la recherche fondamentale. Ses modèles permettent des simulations beaucoup plus efficaces que la recherche en laboratoire, pour mettre au point les matériaux, les batteries ou les médicaments de demain. Faire rédiger un texte par un assistant IA ne va probablement pas changer le monde, contrairement à ce genre d’avancées dans la recherche. Plus prosaïquement, l’IA pourrait améliorer l’efficacité de n’importe quelle entreprise, et donc ses bénéfices. Reste à trouver quel prix mettre aujourd’hui sur ce futur dont on ne connaît pas les détails et à propos duquel on se trompe probablement beaucoup (comme c’est souvent le cas lorsqu’on parle de l’avenir). Les marchés financiers cherchent en permanence à établir ce prix, avec les mêmes exagérations visibles à chaque révolution technologique. Lire aussi: S’approche-t-on d’une intelligence artificielle hors de contrôle? Une horloge est créée pour le mesurer

Le vrai prix de l’intelligence artificielle

ÉDITORIAL. Faire rédiger un texte par un assistant IA ne va probablement pas changer le monde, contrairement aux avancées que permet cette technologie dans la recherche fondamentale. Attribuer, aujourd’hui, une valeur à ce monde de demain expose au risque d’alimenter une nouvelle bulle financière

Lors de sa sortie en novembre 2022, ChatGPT a mis l’intelligence artificielle (IA) dans tous les foyers – ou sur tous les écrans, pour être plus précis. Le message n’a bien sûr pas échappé aux marchés financiers, qui n’allaient pas rater une si belle occasion de s’enflammer. Et, peut-être, de créer une belle bulle financière sur le modèle de celle des «dotcoms» de la fin des années 1990.

Depuis fin 2022, de nombreuses entreprises mentionnent aussi souvent que possible qu’elles utilisent l’IA, même si leur cœur de métier n’a rien à voir avec cette technologie. C’est devenu une condition sine qua non pour attirer l’attention des investisseurs, tout comme il y a 25 ans, il suffisait de faire précéder le nom d’une société d’un «e-» ou d’y ajouter un «.com» pour lever des millions.### Chiffre d’affaires versus bénéfice A l’époque, les investisseurs étaient prêts à payer des fortunes sur la base du chiffre d’affaires de jeunes pousses qui perdaient de l’argent, parfois énormément. Aujourd’hui, les projections effectuées par les marchés sont toujours stratosphériques, mais elles se basent sur les bénéfices déjà générés par ces grandes entreprises cotées en bourse.

Lire aussi: OpenAI vaut désormais plus de 150 milliards de dollars. Comment justifier de tels sommets?
On pense au concepteur de puces Nvidia et aux six autres «Magnificient Seven» que sont Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon, Meta et Tesla. OpenAI, le créateur de ChatGPT, a été valorisé à près de 160 milliards de dollars lors de sa levée de fonds annoncée ce mercredi. Cela en fait l’entreprise privée la plus chère de la planète, même si elle n’est pas rentable. Le mini-krach observé en août sur les marchés est un autre signe de la fièvre boursière suscitée par l’IA. Il avait été provoqué par la soudaine crainte que les dizaines ou centaines de milliards investis dans l’IA par ces grands groupes ne génèrent pas de bénéfices à brève échéance. ### Tendance mesurée en années Or il est probablement trop tôt pour mesurer ce que cette technologie peut apporter, tout comme il est vain d’en chercher les bénéfices chaque trimestre. L’IA est, par exemple, à l’origine de pas en avant majeurs dans la recherche fondamentale. Ses modèles permettent des simulations beaucoup plus efficaces que la recherche en laboratoire, pour mettre au point les matériaux, les batteries ou les médicaments de demain. Faire rédiger un texte par un assistant IA ne va probablement pas changer le monde, contrairement à ce genre d’avancées dans la recherche. Plus prosaïquement, l’IA pourrait améliorer l’efficacité de n’importe quelle entreprise, et donc ses bénéfices. Reste à trouver quel prix mettre aujourd’hui sur ce futur dont on ne connaît pas les détails et à propos duquel on se trompe probablement beaucoup (comme c’est souvent le cas lorsqu’on parle de l’avenir). Les marchés financiers cherchent en permanence à établir ce prix, avec les mêmes exagérations visibles à chaque révolution technologique.
Lire aussi: S’approche-t-on d’une intelligence artificielle hors de contrôle? Une horloge est créée pour le mesurer