DeepSeek, une chance pour l’Europe? Pas si sûr…
ÉDITORIAL. Le service chinois d’intelligence artificielle montre que l’on peut faire beaucoup avec des moyens limités. Encore faut-il en avoir la volonté côté européenL’histoire défile à toute vitesse. Il y a une semaine, les Etats-Unis bandaient leurs muscles, affirmant investir immédiatement 100 milliards de dollars, puis 500 milliards, dans des infrastructures d’intelligence artificielle (IA). Vendredi, Mark Zuckerberg renchérissait en affirmant construire un centre de données d’une superficie équivalente à «une grande part de Manhattan». Et aujourd’hui, le monde découvre qu’une start-up chinoise, DeepSeek, a créé une sorte de «super-ChatGPT» en utilisant une infime fraction des ressources gigantesques de l’américain OpenAI.De nombreux observateurs croyaient la Chine concentrée sur la création de solutions d’IA uniquement pour son marché domestique. Et la voici qui met dans la poche de chaque Occidental un service d’IA d’apparence très puissant. Le choc, symbolique, est important. Et il ne manquera pas de fouetter l’ego des géants américains de la tech, qui pourraient rapidement adapter leur stratégie expansionniste.Lire aussi: Tout comprendre sur l’ouragan chinois DeepSeek, nouvelle star de l’intelligence artificiellePour Marc Andreessen, investisseur star de la Silicon Valley, «c’est le moment Spoutnik de l’IA». Non, affirme Michel Jaccard, avocat lausannois spécialisé dans la technologie, «c’est plutôt un moment Apollo 13, lorsque la NASA a dû se montrer créative pour rapatrier la capsule et ses occupants vivants: une avancée fondée sur l’ingéniosité et l’optimisation plutôt que sur la puissance brute». Parfum de résignation De quoi redonner de l’espoir à l’Europe, incapable de rivaliser en termes d’investissements et de puissance de calcul? On pourrait y croire, DeepSeek n’ayant – selon ses dires, attention à l’opération de communication chinoise – dépensé que 6 millions de dollars pour créer ses modèles. On pourrait aussi imaginer que vu la qualité des ingénieurs en Europe, répliquer la prouesse technique chinoise est possible. Enfin, on pourrait espérer une prise de conscience sur notre continent: oui, avec de la volonté, rivaliser avec OpenAI, Microsoft ou Google est envisageable.Cela fait beaucoup de conditionnels en trois phrases. Trop, peut-être, dans une Europe où semble flotter un parfum de résignation. Et pourtant, l’enjeu – notre souveraineté numérique – est majeur. L’analyse d’expert DeepSeek, lueur d’espoir technologique pour l’Europe? L'avis de deux spécialistes Publié le 28 janvier 2025 à 16:00. / Modifié le 28 janvier 2025 à 16:51. Les Etats-Unis ont annoncé qu’ils limiteraient la livraison de puces à la plupart des pays du monde, dont la Suisse. En démontrant qu’il est possible d’obtenir les mêmes performances d’IA avec moins de matériel et de puissance de calcul, la recherche et le développement en matière d’IA sur notre continent s’en trouveront stimulés. Sabine Süsstrunk, directrice du Laboratoire d’images et représentation visuelle de la Faculté informatique et communications de l’EPFL Avec une baisse des coûts, les barrières à l’entrée diminuent. Bonne nouvelle pour l’Europe, qui pourra plus facilement se positionner sur le marché. Mais rappelons que le vrai potentiel commercial de l’IA ne réside pas seulement dans les modèles les plus puissants. Ce qui compte, c’est l’adéquation avec un besoin concret. Michel Jaccard, associé de l’étude Id Est Avocats à Lausanne et spécialisé dans la technologie Ajoutons un élément décisif: celui de la demande. Il ne suffira pas que des solutions d’IA européennes, voire suisses, apparaissent. Encore faudra-t-il que gouvernements, administrations, entreprises et particuliers les adoptent, pour tenter de se défaire de la mainmise américaine – et peut-être bientôt chinoise – sur ce domaine si crucial. Ce ne sera pas le moindre des défis.
ÉDITORIAL. Le service chinois d’intelligence artificielle montre que l’on peut faire beaucoup avec des moyens limités. Encore faut-il en avoir la volonté côté européen
L’histoire défile à toute vitesse. Il y a une semaine, les Etats-Unis bandaient leurs muscles, affirmant investir immédiatement 100 milliards de dollars, puis 500 milliards, dans des infrastructures d’intelligence artificielle (IA). Vendredi, Mark Zuckerberg renchérissait en affirmant construire un centre de données d’une superficie équivalente à «une grande part de Manhattan». Et aujourd’hui, le monde découvre qu’une start-up chinoise, DeepSeek, a créé une sorte de «super-ChatGPT» en utilisant une infime fraction des ressources gigantesques de l’américain OpenAI.
De nombreux observateurs croyaient la Chine concentrée sur la création de solutions d’IA uniquement pour son marché domestique. Et la voici qui met dans la poche de chaque Occidental un service d’IA d’apparence très puissant. Le choc, symbolique, est important. Et il ne manquera pas de fouetter l’ego des géants américains de la tech, qui pourraient rapidement adapter leur stratégie expansionniste.
Pour Marc Andreessen, investisseur star de la Silicon Valley, «c’est le moment Spoutnik de l’IA». Non, affirme Michel Jaccard, avocat lausannois spécialisé dans la technologie, «c’est plutôt un moment Apollo 13, lorsque la NASA a dû se montrer créative pour rapatrier la capsule et ses occupants vivants: une avancée fondée sur l’ingéniosité et l’optimisation plutôt que sur la puissance brute».
Parfum de résignation
De quoi redonner de l’espoir à l’Europe, incapable de rivaliser en termes d’investissements et de puissance de calcul? On pourrait y croire, DeepSeek n’ayant – selon ses dires, attention à l’opération de communication chinoise – dépensé que 6 millions de dollars pour créer ses modèles. On pourrait aussi imaginer que vu la qualité des ingénieurs en Europe, répliquer la prouesse technique chinoise est possible. Enfin, on pourrait espérer une prise de conscience sur notre continent: oui, avec de la volonté, rivaliser avec OpenAI, Microsoft ou Google est envisageable.
Cela fait beaucoup de conditionnels en trois phrases. Trop, peut-être, dans une Europe où semble flotter un parfum de résignation. Et pourtant, l’enjeu – notre souveraineté numérique – est majeur.
L’analyse d’expert
DeepSeek, lueur d’espoir technologique pour l’Europe? L'avis de deux spécialistes
Les Etats-Unis ont annoncé qu’ils limiteraient la livraison de puces à la plupart des pays du monde, dont la Suisse. En démontrant qu’il est possible d’obtenir les mêmes performances d’IA avec moins de matériel et de puissance de calcul, la recherche et le développement en matière d’IA sur notre continent s’en trouveront stimulés.
Avec une baisse des coûts, les barrières à l’entrée diminuent. Bonne nouvelle pour l’Europe, qui pourra plus facilement se positionner sur le marché. Mais rappelons que le vrai potentiel commercial de l’IA ne réside pas seulement dans les modèles les plus puissants. Ce qui compte, c’est l’adéquation avec un besoin concret.
Ajoutons un élément décisif: celui de la demande. Il ne suffira pas que des solutions d’IA européennes, voire suisses, apparaissent. Encore faudra-t-il que gouvernements, administrations, entreprises et particuliers les adoptent, pour tenter de se défaire de la mainmise américaine – et peut-être bientôt chinoise – sur ce domaine si crucial. Ce ne sera pas le moindre des défis.