Affaire Telegram: un besoin urgent de nuances

ÉDITORIAL. L’arrestation de Pavel Durov, directeur de la messagerie, a suscité des réactions très partagées sur l’avenir de la modération et de nos communications. Une ligne modérée est à notre sens nécessaireIl ne faut jamais dire jamais. Mais dans le cas présent, difficile, voire impossible, d’imaginer que l’on trouve un jour une solution parfaite dans la modération des messageries. A moins que nous décidions, à l’avenir, d’une analyse permanente et en direct de toutes nos communications. Ou, au contraire, que nous souhaitions opter pour un laisser-faire total en ligne.Aucune de ces options n’est évidemment satisfaisante. Mais il y a un risque réel que l’on bascule vers l’une ou l’autre. La volonté insistante d’autorités, en Occident, de casser le chiffrement de WhatsApp & Co. menace de nous plonger dans une société de la surveillance. A l’autre extrême, on entend de plus en plus de voix – dont celles d’Elon Musk et Pavel Durov, directeur de Telegram, sont les plus fortes – crier à la censure à la moindre demande de modération. Jouer ainsi avec les mots est dangereux et fausse totalement le débat.Alors, que faire? Avant de s’attirer les foudres des autorités françaises, Telegram a fait une erreur importante: ne quasiment jamais donner suite aux demandes de polices pour des requêtes d’informations légitimes sur des utilisateurs. WhatsApp, Proton ou Signal se plient, eux, à de telles requêtes officielles depuis des années. Sans que l’on ne crie jamais au scandale. **Un point:** [Cinq mensonges à décortiquer autour de Telegram](https://www.letemps.ch/articles/cinq-mensonges-a-decortiquer-autour-de-telegram) ### Le chiffrement, fondamental A notre sens, il faut continuer à permettre aux messageries de proposer un chiffrement total aux utilisateurs qui le souhaitent: c’est une protection fondamentale pour la vie privée et la liberté d’expression. Dans le même temps, les messageries doivent respecter la loi, c’est aussi basique que cela: lorsque des informations sont demandées dans un cadre légal, elles doivent obtempérer, avec les données qu’elles possèdent sur les utilisateurs et sans jamais casser ce chiffrement. Il y a deux gros problèmes avec l’arrestation et l’inculpation de Pavel Durov en France. D’abord, Paris semble l’accuser de fournir illégalement des services de chiffrement: il faut espérer que cela ne contribue pas à remettre en question cette technologie. Ensuite, il faudra examiner si la France n’a pas abusé de son pouvoir en interpellant le directeur d’une société qui n’a aucune activité sur son territoire – d’autres dirigeants de la tech scrutent cela de près. Le débat est complexe, en partie technique, et des personnalités de tout bord se font un malin plaisir à jeter de l’huile sur le feu. D’où l’importance d’appréhender cette situation avec nuance. **L'analyse d'un acteur de la branche:** [Andy Yen, à la tête de Proton: «L’arrestation du directeur de Telegram est un suicide économique pour la France»](https://www.letemps.ch/cyber/andy-yen-a-la-tete-de-proton-l-arrestation-du-directeur-de-telegram-est-un-suicide-economique-pour-la-france)

Affaire Telegram: un besoin urgent de nuances

ÉDITORIAL. L’arrestation de Pavel Durov, directeur de la messagerie, a suscité des réactions très partagées sur l’avenir de la modération et de nos communications. Une ligne modérée est à notre sens nécessaire

Il ne faut jamais dire jamais. Mais dans le cas présent, difficile, voire impossible, d’imaginer que l’on trouve un jour une solution parfaite dans la modération des messageries. A moins que nous décidions, à l’avenir, d’une analyse permanente et en direct de toutes nos communications. Ou, au contraire, que nous souhaitions opter pour un laisser-faire total en ligne.

Aucune de ces options n’est évidemment satisfaisante. Mais il y a un risque réel que l’on bascule vers l’une ou l’autre. La volonté insistante d’autorités, en Occident, de casser le chiffrement de WhatsApp & Co. menace de nous plonger dans une société de la surveillance. A l’autre extrême, on entend de plus en plus de voix – dont celles d’Elon Musk et Pavel Durov, directeur de Telegram, sont les plus fortes – crier à la censure à la moindre demande de modération. Jouer ainsi avec les mots est dangereux et fausse totalement le débat.Alors, que faire? Avant de s’attirer les foudres des autorités françaises, Telegram a fait une erreur importante: ne quasiment jamais donner suite aux demandes de polices pour des requêtes d’informations légitimes sur des utilisateurs. WhatsApp, Proton ou Signal se plient, eux, à de telles requêtes officielles depuis des années. Sans que l’on ne crie jamais au scandale. **Un point:** [Cinq mensonges à décortiquer autour de Telegram](https://www.letemps.ch/articles/cinq-mensonges-a-decortiquer-autour-de-telegram) ### Le chiffrement, fondamental A notre sens, il faut continuer à permettre aux messageries de proposer un chiffrement total aux utilisateurs qui le souhaitent: c’est une protection fondamentale pour la vie privée et la liberté d’expression. Dans le même temps, les messageries doivent respecter la loi, c’est aussi basique que cela: lorsque des informations sont demandées dans un cadre légal, elles doivent obtempérer, avec les données qu’elles possèdent sur les utilisateurs et sans jamais casser ce chiffrement. Il y a deux gros problèmes avec l’arrestation et l’inculpation de Pavel Durov en France. D’abord, Paris semble l’accuser de fournir illégalement des services de chiffrement: il faut espérer que cela ne contribue pas à remettre en question cette technologie. Ensuite, il faudra examiner si la France n’a pas abusé de son pouvoir en interpellant le directeur d’une société qui n’a aucune activité sur son territoire – d’autres dirigeants de la tech scrutent cela de près. Le débat est complexe, en partie technique, et des personnalités de tout bord se font un malin plaisir à jeter de l’huile sur le feu. D’où l’importance d’appréhender cette situation avec nuance. **L'analyse d'un acteur de la branche:** [Andy Yen, à la tête de Proton: «L’arrestation du directeur de Telegram est un suicide économique pour la France»](https://www.letemps.ch/cyber/andy-yen-a-la-tete-de-proton-l-arrestation-du-directeur-de-telegram-est-un-suicide-economique-pour-la-france)